C'est en 1875 que Louis Vuitton re-imagine cette malle wardrobe conçue pour être ouverte à la verticale. Equipée d'une penderie d'un côté et de tiroirs de l'autre. Cette malle révolutionnaire évite aux voyageurs d'avoir à déballer leurs vêtements. Il suffit de dresser la malle et de l'ouvrir. Il faut 150 heures pour fabriquer la mythique malle armoire. Un travail d'orfèvre qui justifie le prix du neuf de cet objet culte et indémodable.
C'est une restauration extrêmement lourde que nous allons vous présenter ci-dessous. Comme une voiture ancienne de luxe.
Nous gardons tous en mémoire la vente Baillon, Arcturial de Février 2015. Où ces voitures "épave" ont franchi des sommets. Ces voitures, après plusieurs milliers d'heures de travail, retrouveront leurs lettres de noblesse.
Tout comme notre malle Louis Vuitton. Notre place dans le monde de la restauration n'est plus à démontrer, car nous avons fait nos preuves, restaurer sans dénaturer, respect des règles de l'art. Beaucoup copié, jamais égalé. Nous allons vous en faire la démonstration.
Nous avons reçu cette malle 1ère série, d'Angleterre dans un état de délabrement rare. Dans cette état elle ne vaut plus grand chose car il faut être fou pour se lancer dans une restauration de cette envergure. Cette malle en provenance du Royaume-Uni a subi les marques du temps et de l'humidité.
Que lui est-il arrivé pour en arriver là ? Personne ne saura nous répondre.
Il y avait tant de choses à faire que nous ne savions même pas par où commencer :
Notre cahier des charges fut :
Restaurer cette malle à l'identique comme à sa sortie d'usine il y a 94 ans, en 1927, en utilisant les mêmes techniques de fabrication et matériaux de l'époque. Mais nous voulions que cette malle puisse être utilisée au quotidien comme malle-armoire de rangement et qu’elle puisse bénéficier d’une seconde vie au lieu de terminer sa vie dans une vitrine en simple decoration d'intérieur. Le défit était lancé.
Grace au numéro de serrure et aux archives du service patrimoine Louis Vuitton nous avons pu dater cette malle de 1927.
Le contre-plaqué est une succession de minces feuilles de bois, appelé « placage », collées les unes contre les autres où le sens du fil du bois est croisant. Il permet l'obtention d'un panneau léger, de faible épaisseur, souple et extrêmement solide à l’instar des planches de skate bord par exemple, qui sont réalisées en contre-plaqué. Même si le contre plaqué est connu depuis l'Egypte antique, son application industrielle et commercialisation ne prend essor en France qu'en 1860 grâce à des colles plus performantes.
Toutefois, comme en témoigne notre malle de 1927, les colles utilisées à cette époque, sont à base d'eau et de peaux de lapin ou poisson, des colles réversible qui ne supportent pas l'humidité. Dans notre cas, les fines couches de bois se sont décollées les unes des autres formant des boursouflures sur la surface de la toile. Cette désolidarisation rend la structure fragile.
La seule solution est de remplacer la structure en bois de peuplier et de la fabriquer à l'identique, au millimètre près. L’assemblage est traditionnel : par clouage et toile forte. Pas de vis ou de colle moderne. Mais remplacer la structure de cette malle impose un démontage intégral : c'est un travail pharaonique.
Plus de 1 600 pointes et clous démontés.
Décoller la toile, démonter les lozines, les bois, les bijouteries.
Les lattes en hêtre, quant à elles, pourrissaient. Il n'était pas envisageable de les réutiliser. L'utilisation de patte à bois et de collage douteux n'est pas une réponse convenable pour une restauration de malle de collection. Nous laissons ces astuces aux bricoleurs. L’objectif est d'assainir la malle pour lui permettre de vivre encore 200 ans.
Nous avons donc fabriqué des lattes en bois de hêtre de même section et usinage que celle d'origine. Une patine dont nous gardons religieusement la recette a été conçue pour être en harmonie et ne pas dénoter avec l'âge de notre malle Louis Vuitton.
La toile est nettoyée, restaurée, prête à être recollée sur le fut. La restauration consiste à enlever les pollutions. Aucune peinture n'est appliqué dessus. Il ne s’agit pas de repeindre la toile, nous souhaitons qu'il garde sa qualité de malle de collection et la patine des objets anciens. Cette toile est une toile enduite au pochoir Mark 2.
La lozine sert à protéger les rives. Elle est à base de fibres vulcanisées. Elle ne se tache pas contrairement au cuir et elle est très résistante. Deux longueurs étaient manquantes sur notre malle. Notre désir et passion pour remettre cette malle identique à l'origine nous ont poussés à nous surpasser. Apres plusieurs mois de recherches et de tests, nous avons réussi à fabriquer de la lozine.
Polissage et nettoyage des bijouteries en laiton massif, respect des règles de l'art du polisseur, faire briller sans rayer.
Fabrication sur mesure de poignées en cuir de vachette. Couture sellier, cousu à la main.
Sur la plupart des malles, l'intérieur ne représente que 40 % de la valeur de la malle car il n'a pas d'intérêt car la malle est toujours fermé. Seules les malles wardrobe, malles secrétaire et malles à chaussures sont aussi intéressantes de l'intérieur que de l'extérieur car elle sont destinées à rester ouvertes. Sauf que notre malle était entièrement VIDE ! Tout était à construire.
Fabrication du casier et des tiroirs en peuplier, assemblage traditionnel. Le travail du menuisier et de l'ébéniste
De la toile forte est collée pour renforcer les panneaux de bois et garantir une tenue maximale. Louis Vuitton développe cette technique très rapidement, tiré de son métier de luthier emballeur, afin de renforcer les assemblages de ses malles qui permettent d'avoir une structure légère faite de panneaux de bois très fin.
Nous avons fait fabriquer une toile enduite orangée pour recouvrir notre casier et nos tiroirs. Cette toile est gainée au bois. On peut apercevoir l'emplacement de la toile forte sous la toile enduite tout comme à l'origine.
Fabrication et pose des tirettes en cuir de vachette. Astiquage et finition des tirettes à la main.
Aucun marquage L. Vuitton ne serra inscrit au risque d'être assimilé a de la contrefaçon. Notre travail est celui de la restauration dans les règles de l'art.
Nous avons fait re-nickelé la penderie Louis Vuitton et fabriqué la boite à chaussures "shoes case". La fabrication à l'usine Vuitton d'Asnières nécessite 150 H de travail pour une malle wardrobe neuve.Il nous aura fallut 210h pour refaire cette malle.
Cette différence s'explique par le temps de démontage de la malle, la restauration de la toile et la fabrication de certaines pièces sur mesure contrairement à Louis Vuitton qui les fabrique et les assembles dans ses ateliers. C'est une immense satisfaction et une fierté de voir le résultat de cette malle comme ressuscitée après ces mois de restauration. Nous espérons que vous avez pu apprécier autant que nous cette aventure grâce à cet article.
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